Les petites blagues d’Arthur

Arthur nous joue quelques tours à sa façon : panne de guindeau et d’enrouleur de génois en Islande, couacs de démarreur à l’arrivée au Groenland, eau dans les fonds en navigation pour le Christian sound pour ne citer que cela.

Toutes ces péripéties nous obligent à rester toujours sur le qui vive et occupent régulièrement nos journées et nos soirées. En général, les problèmes se résolvent plutôt bien avec un peu d’huile de coude et des conseils avisés.

De l’eau dans les fonds

C’est également le cas pour la mystérieuse entrée d’eau qui nous avait bien fait cogiter en pleine navigation vers le sud du Groenland. Nous n’arrivions pas à déterminer si l’eau était salée ou non à cause des saletés de fond de cale.

Après quelques heures de nettoyage intensif, les résidus d’eau s’accumulant encore n’étaient clairement pas salés. De l’eau douce dans les fonds, le niveau d’urgence descend de plusieurs crans… Par ailleurs, après avoir vidé régulièrement le puisard pendant 48 heures, l’eau avait cessé d’arriver.

L’hypothèse la plus probable est donc une petite fuite d’eau dans le circuit installé pour nous brancher à une cascade pendant plusieurs jours. En reprenant la navigation et en gîtant, l’eau embarquée s’est accumulée dans le puisard.

Une météo très mitigée

Notre arrivée à Nanortalik rime également avec le retour du mauvais temps. Pluie diluvienne, rafales de vent à décorner des bœufs musqués, froid, une autre facette du Groenland s’offre à nous. Au village, nous renouons avec les avantages et les travers de la civilisation.

D’un côté, nous pouvons nous réapprovisionner. Après un mois en complète autonomie alimentaire, les stocks ont baissé et nous avons encore une traversée à réaliser pour atteindre le Canada. Nous retrouvons aussi internet et la connexion avec le monde, la famille et les amis.

De l’autre, nous finissons par passer l’essentiel de notre temps vissés au wifi du café, le nez dans les ordinateurs et les téléphones ou dans les supermarchés pour être certains de ne pas manquer, plutôt que de découvrir la ville et ses attraits. Les hordes de touristes, débarquées quotidiennement des supers paquebots de croisière, n’aident pas à apprécier réellement l’escale.

Le vent ne nous permettant pas de descendre vers Terre-Neuve dans les jours qui suivent, nous incite à mettre les voiles pour les sources d’eaux chaudes d’Unaartoq. Une navigation fort peu confortable, avec 25 nœuds de face, à tirer des bords douloureux dans la bise glaciale.

Heureusement, la récompense est au bout du chemin, une belle vasque d’eau à 35 degrés, vue sur les icebergs du fjord.

Escale technique (encore) à Qaqortoq

Après un joli mouillage près de Illuitsup Paa et une collecte royale de moules du Groenland, nous filons sur Qaqortoq, la grande ville. En arrivant, nous commençons par prendre du gasoil. Ce n’est qu’en quittant le ponton de la station, que nous apercevons, dans notre sillage, une immense traînée chatoyante.

Arthur nous joue encore un tour à sa façon. Nous pensons à une fuite de gasoil. D’où peut-elle provenir ? Nous cherchons partout, vérifions tous nos jerricans, les fonds du bateau, etc. Rien. Pourtant, alors que nous sommes amarrés au quai, nous voyons nettement des bulles irisées remonter à la surface.

Après de nombreuses vérifications, nous découvrons le coupable. C’est de nouveau notre satané arbre d’hélice qui perd son huile ! Cette fois, ce n’est pas une micro fuite, c’est la marée noire. Nous devons impérativement sortir le bateau de l’eau pour changer les joints. Mais nous sommes dans une toute petite ville de 3000 habitants où les voiliers et les infrastructures associées sont inexistants.

Là où il fait bon voyager avec des amis

Heureusement, notre flottille de choc dispose de très nombreux talents. En quelques heures, les amis nous aident à trouver un endroit pour échouer Arthur près d’un chantier. Ce dernier accepte de nous prêter gracieusement madriers, sangles, outils et nous ouvre leur atelier.

Il faut cependant une bonne journée de travail pour préparer l’échouage, calculer l’endroit exact, disposer des repères, retirer les pierres, fabriquer des béquilles, etc. Le soir, tout est prêt lorsqu’un coup de vent se lève brutalement.

En moins de deux, nos voiliers amis doivent décamper du port houleux pour s’abriter au mouillage. Nous restons seuls, quatrième à couple de plusieurs barges, à espérer que le vent se lasse rapidement. L’échouage est reporté au lendemain à la fraîche.

Nous ne devons pas traîner, c’est la pleine lune et les coefficients de marée ne vont pas tarder à redescendre drastiquement. En cas de problème, nous pourrions être cloué à terre pendant un mois… De plus, les reliefs du cyclone Franklin nous arrivent dessus à grande vitesse, ce n’est pas joli, joli sur la carte météo.

Nos vaillants compatriotes reviennent donc à 6 heures du matin pour nous aider à positionner Arthur à marée haute, tendre quatre amarres à terre, deux drisses du haut du mât, positionner les béquilles et attendre que l’eau redescende.

Dès que le bateau est posé, nous commençons à nettoyer la coque de toutes ses algues. Ce n’est pas notre priorité, mais ce serait trop dommage de laisser passer une telle occasion. Nous comptons bien gagner en vitesse avec une carène propre et économiser près d’une journée sur la traversée vers le Canada.

Certains frottent avec des brosses, d’autres utilisent le karcher branché à l’eau de mer. Le travail est pénible mais les amis courageux. Une deuxième équipe s’occupe de démonter l’hélice et de changer les joints de l’arbre dès que l’eau est assez basse. Nous nous apercevons à cette occasion que la fuite a été provoquée par la rupture d’une pièce qui a ensuite endommagé les joints.

Cette pièce avait été rajoutée cet hiver, en même temps que le changement de ces mêmes joints, pour garantir une meilleure étanchéité. Le remède a finalement été pire que le mal. Avec des joints tout neufs, le problème devrait être résolu de manière pérenne.

A la fin de la journée, lorsqu’Arthur flotte de nouveau, nous sommes tous absolument vannés, trempés et frigorifiés car la pluie a recommencé. Mais nous sommes soulagés malgré tout de nous en sortir aussi bien grâce au coup de main de maître des amis et l’accueil plus que bienveillant du personnel du chantier.

Pendant que les parents bossent

Alors que les parents travaillent d’arrache-pied au bateau, les enfants ne sont pas en reste. Ils s’organisent pour monter leur petit business. En effet, après avoir ramassé de jolies pierres qui traînent près des quais, ils décident de les vendre aux passants dans leur boutique fabriquée avec des palettes et des planches.

Les unes vont au devant des promeneurs avec une affichette écrite en anglais, les autres accueillent les clients au seuil de leur échoppe, certaines cassent les pierres et les disposent ou encore tiennent la caisse. Tristan joue tout autour.

En deux jours de vente, les enfants collectent pas moins de 200 couronnes ! Collectivement, ils décident d’acheter des glaces et des tic-tac à partager et de répartir le solde. Chacune des filles empochent environ cinq euros.

Par ailleurs, le personnel du chantier leur offre en prime un bonnet à chacun. Le plus beau, pour des parents qui font aussi école sur le bateau, reste la conclusion des grandes lorsqu’elles disent qu’elles veulent apprendre l’anglais pour pouvoir parler aux gens plus facilement !

Un baromètre en chute libre

L’escale à Qaqortoq ne dure pas. Le baromètre chute de manière drastique. Franklin, le cyclone, vient mourir par ici. Des vents violents sont attendus et le port n’est pas protégé. Nos trois bateaux filent en vitesse vers le fond d’un fjord pour laisser passer le mauvais temps.

Nous n’aurons pas plus de cinquante nœuds de vent au mouillage, mais c’est bien suffisant !

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